lundi 11 avril 2016

Critiques express : Mars 2016



10 Cloverfield Lane

Mars a rendu hommage aux huis clos. Tout d’abord nous avons eu Room, probablement mon plus grand coup de cœur en ce début d’année 2016, puis ensuite 10 Cloverfield Lane, également très bon. Pour commencer j’aurai deux remarques à faire sur ce film. Premièrement, dans un monde où nous savons tout sur tout en amont et où chaque film est annoncé 2 ans à l’avance (quand ce n’est pas 5 voire 10), il est toujours appréciable de voir sortir un film de nulle part. Et c’est précisément le cas de 10 Cloverfield Lane. Produit par J.J.Abrams, le film a été annoncé seulement 2 mois avant sa sortie à la surprise générale. Et les surprises, moi j’aime bien. Deuxièmement, même si le film se déroule dans un univers semblable à celui de Cloverfield, le film n’est pas à prendre pour une suite de Cloverfield, et toute personne se rendant au cinéma dans cette optique bien précise sera déçu et aura l’objectivité de son jugement troublé. Je précise cela car si on prend le film pour ce qu’il est, on y trouvera un très bon long-métrage. Un huis clos très bien maitrisé, psychologique, avec de bons twists, de bons acteurs (excellent John Goodman) et une tension palpable. Seul bémol, une fin un peu bâclée qui laisse un peu sur sa faim. Mais je recommande vivement. 

4/5

Saint Amour

















C’est toujours un plaisir de voir sortir un nouveau film de Gustave Kervern et Benoît Delépine, car ces deux cinéastes ont une griffe bien particulière et identifiable. On pourrait les prénommer les cinéastes du plouc. Ils ont ce talent de faire ressortir la poésie de cette France qui ne s’exprime pas, des vagabonds, des ignorés, des perdus… Si parfois les personnages de film ont des comportements convenus, Kervern et Delépine parviennent toujours à ancrer leurs personnages dans la réalité, développent une connexion avec la « vraie vie ». Et Saint Amour est un nouveau témoignage de cette aptitude. Dans Saint Amour on suit un père (joué par Depardieu) et son fils (joué par Benoît Poelvoorde), qui partent ensemble faire la route du vin afin de retisser les liens familiaux. Le film n’est certainement pas un film sur l’alcool, il est bien plus un film sur la tristesse et la solitude. C’est un film fragile et touchant truffé de « moments de vie » purement exquis. Par exemple, les messages que le père laisse sur le répondeur de sa défunte femme sont bouleversants. D’autres passages sont quant à eux surprenants et inouïs comme la jeune fille qui fait une crise d’angoisse en pensant à la dette de l’Etat. Saint Amour est incontestablement l’une des meilleures productions françaises de l’année. 

4/5

Five

















Avec la sortie récemment des Visiteurs 3, nous avons une nouvelle démonstration d’une comédie française qui fait pâle figure. La comédie française ne connait pas vraiment de beaux jours en ce moment. On n’en a marre des castings à rallonge, bourré d’humoristes venant faire de la figuration, recyclant des procédés éculés, n’apportant aucun vent de fraicheur ni aucune innovation… Car il faut le dire, la plupart de nos comédies sont bâclées avec au final très peu d’idées dans la réalisation. Pour moi, le vent de fraicheur est venu du premier film d’Igor Gotesman, Five. Five est belle et bien une comédie, mais une comédie travaillée, à la réalisation soignée, et à l’esthétique léchée. Jouant un rôle dans son propre film, Vadim, Igor Gotesman brille bien plus par la réalisation plutôt bonne de son premier film que pour son jeu d’acteur plutôt moyen. Je n’aime pas forcément les films qui commencent par la scène de fin, mais je dois avouer que c’est ici bien senti et que cela surprend un peu, créditant ainsi la construction du film. Enfin, l’alchimie entre les acteurs est très rafraichissante, et rien d’étonnant là-dedans car 3 des 5 protagonistes principaux sont amis de longue date. Donc plutôt que d’aller voir la bouse monumentale qu’est les Visiteurs 3, allez voir Five

4/5 

Midnight Special















Le cinéma de Jeff Nichols a une unité qui en fait l’œuvre d’un véritable auteur. Et rien que pour cela on ne peut que louer son travail. Je n’ai pas encore vu Take Shelter que je possède pourtant en DVD mais j’avais personnellement été très enthousiasmé par Mud. Voici la conclusion de ma critique sur Mud : « Le réalisateur raconte une belle histoire avec lyrisme et simplicité. Le résultat est juste et sans excès. On pourra cependant lui reprocher une fin un peu trop sage. Mais c'est tout de fois admirablement efficace, bien raconté, sans être dénué d'ambiguïté ». Je suis forcé de constater que je ressens exactement la même chose pour Midnight Special. Je suis donc impatient de voir ce que le réalisateur américain, encore jeune (37 ans), va nous pondre dans les années à venir. Affaire à suivre.

3.5/5 


mercredi 6 avril 2016

Room


















L’année 2016 m’apporte pour l’instant de grandes satisfactions et des expériences cinématographiques inoubliables. Après la claque qu’était The Revenant, j’ai tendu l’autre joue pour me prendre celle de Room. Je n’ai jamais ressenti autant d’émotions devant un film, je suis passé de la haine au bonheur, des larmes de chagrin aux larmes de joie, de la boule au ventre à un sentiment de légèreté. J’ai même entendu ma voisine pleurer ! C’était magnifique et j’en garde un souvenir impérissable.

Pour résumer, et en spoilant le moins possible, le film raconte l'histoire de Joy, une jeune fille enlevée et séquestrée par un malade dans sa cabane de jardin. Après deux ans de captivité, Joy a un enfant, Jack, qui est donc élevé jusqu'à ces cinq ans dans une seule pièce, d'où le titre du film. Les maladresses étaient nombreuses, le film aurait pu être insoutenable, excessivement larmoyant, voire même sinistre et malsain. Mais le résultat est tout autre. Etant donné que la caméra ainsi que la narration prennent le point de vue de l’enfant, le film est au contraire porté par une innocence soutenable.

Tout d’abord, le film rayonne grâce à un casting parfait. Sans maquillage pendant la quasi-intégralité du film, Brie Larson délivre une interprétation exceptionnelle qui légitime complètement son oscar de la meilleure actrice. Déjà aperçu dans l’excellent States of Grace, Brie Larson confirme toutes les bonnes choses que l’on pouvait penser d’elle. Son hyper-sensibilité naturelle la rend parfaite pour le rôle ! Mais elle est également accompagnée de Jacob Tremblay, un jeune comédien de 9 ans, qui nous procure finalement le plus d’émotions. La direction d’acteurs est la grande réussite du réalisateur irlandais Lenny Abrahamson. Mais la mise en scène du film n’est pas pour autant bâclée. Lenny Abrahamson déplace sa caméra avec agilité et caractère. Il nous présente d’abord très bien la pièce dans laquelle sont enfermés Joy et Jack, parvenant à nous retransmettre une connaissance détaillée de la chambre. ATTENTION SPOILERS. Puis, lorsqu’ils finissent par sortir de la pièce, la caméra, qui suit toujours le point de vue de l’enfant, semble perdue et ne sait plus où faire le point avec autant d’informations à la fois. On assiste donc à un flou artistique très bien senti avec une caméra qui varie les zones de netteté à la manière d’un enfant ébloui qui ne sait pas vraiment où porter son attention.  

Room est un chef d’œuvre du 7ème art que tout le monde devrait voir. Il est impossible que le film vous laisse de marbre où alors votre cœur a été remplacé par une pierre tombale. 

5/5