samedi 16 juillet 2016

Boyhood

















J’aime profondément la filmographie de Richard Linklater. Sa trilogie Before (Sunrise, Sunset, Midnight) est l’une de mes œuvres cinématographiques préférées. L’ensemble de son œuvre est caractérisée par la fluidité du temps qui passe, et globalement un concert de bons sentiments. Ses films parviennent à capter des « moments de vie » comme peu de caméras savent le faire. Ses films sont simples mais extrêmement bien écrits, donnant au tout une impression de réalité confondante  et une complète immersion du spectateur.

Boyhood est un film extraordinaire, qui sera (est ?) sûrement étudié en école de cinéma. Richard Linklater a entrepris le pari fou, en 2002, de commencer un film, dans l’idée de le poursuivre, un peu chaque année, pendant 12 ans, jusqu’à obtenir une évolution de personnage complètement transparente. Comme impression de réalité confondante, ça se place là quand même ! Ainsi, on voit toute une famille évoluée dans un faux-semblant de temps réel, avec des ellipses parfois presque imperceptibles tant la fluidité de la réalisation nous emmène avec elle. Pourtant les ellipses sont bien là, et on voit le jeune Mason grandir, de 6 à 18 ans, accompagné de sa sœur aînée et de ses parents divorcés.

Le scénario de Linklater, écrit au fil de l’eau en fonction de l’évolution de ses acteurs, est plutôt simple, n’évitant pas certains clichés, mais foncièrement teinté de vérité et de substance. Le film n’a pas d’action vraiment marquante, il n’a pas de changement drastique de situation, il est le miroir du temps qui passe, d’une enfance que l’on suit pas à pas, d’une vie relativement banale de garçon qui devient jeune adulte. Tout le film repose sur cette immersion dans la vie de cet enfant, que la caméra de Linklater filme de son élégante simplicité, jusqu’à ce qu’on ne veuille plus que cela s’arrête. Car si le film dure 2h40, j’aurais voulu qu’il dure 6h pour pouvoir suivre Mason encore un peu plus loin dans sa vie.

Les acteurs sont bien évidemment tous excellents, très bien dirigés par Linklater. Le jeune Ellar Coltrane (Mason) a un visage qui pousse à la sympathie et il délivre une performance incroyable durant les 12 années. Il surjoue peut-être légèrement durant l’adolescence, mais peut-on vraiment le condamner pour ça ? La sœur, Lorelei Linklater, fille du réalisateur, est également incroyable, surtout pendant plus ses plus jeunes années.  Les parents ne sont pas laissés pour compte pour autant, les deux, Patricia Arquette et Ethan Hawke, ce dernier habitué du réalisateur car présent dans la trilogie Before, percent l’écran.

L’essence du cinéma ne repose-t-elle pas sur l’immersion du spectateur dans un univers parallèle, que constitue l’histoire racontée. Si vous êtes en accord avec cela, et que vous êtes ouverts au pari fou de Linklater, alors Boyhood constituera pour vous un chef d’œuvre. Pour moi, il ne fait aucun doute que Boyhood est un très grand moment de cinéma. 

5/5

dimanche 10 juillet 2016

Making a Murderer
















La série (plutôt mini-série) semble être le format en vogue pour raconter des faits divers sordides. L’année 2015 a été très fructueuse dans ce domaine avec deux œuvres de grande qualité. La première est une mini-série HBO de 6 épisodes The Jinx : the life and deaths of Robert Durst, qui retrace la vie de Robert Durst, accusé, sans jamais avoir été condamné, du meurtre de 3 individus. La série se finit sur un immense coup de théâtre qui vous laissera sans voix, la mâchoire décrochée. La seconde œuvre est celle que je m’apprête à critiquer ici, Making a Murderer, qui retrace quant à elle la vie de Steven Avery, injustement condamné pour viol en 1985, innocenté après 18 ans passé en prison, et de nouveau incarcéré en 2005 pour le viol et le meurtre de Teresa Halbach.

Steven Avery est, à première vue, un brave type vivant reclus avec sa famille au fin fond du Wisconsin, qui a eu quelques fois affaire à la police, mais plus pour des dérapages de jeunes qui s’ennuient que pour de vrais délits. En 1985, il se voit accusé à tort d'agression sexuelle et de tentative de meurtre sur une joggeuse, et la police locale fait tout pour qu’il soit emprisonné, sans enquêter sérieusement sur d’autres suspects. Il restera 18 ans en prison avant que les prélèvements ADN ne l’innocentent, et un amendement à son nom sera voté dans le Wisconsin pour éviter les condamnations à tort. Tout ceci ne représentant que le premier épisode sur dix, on se demande bien ce qu’il va pouvoir lui arriver d’autre. Ironie du sort ultime (ou pas), à peine deux ans après sa libération, en plein procès contre le comté pour obtenir un dédommagement, il se voit accusé de meurtre. Je n’en dirai pas plus pour ne pas raconter toute la série, mais attendez-vous à des rebondissements à s’en décrocher la mâchoire comme aucune fiction ne pourrait se permettre. Car oui, c’est bien simple, on ne pourrait pas y croire si ce n’était pas un documentaire.

Il est évident que les deux réalisatrices soutiennent la théorie de l’innocence de Steven Avery, mais que l’on y croit ou pas, ça ne me choque pas outre mesure. Pour se lancer dans un projet d’une telle ampleur, il faut une conviction, une passion. L’important est plutôt la redoutable efficacité du montage, la multiplication étourdissante des points de vue (famille, médias, avocats, etc) et des personnages grâce aux dix heures de la saison. Il faut dire qu’on en a une sacrée galerie, entre les avocats de la défense méthodiques et passionnés, les flics incompétents, la famille atypique, le procureur prêt à tout… Les réalisatrices n’ont pas eu peur de consacrer beaucoup (mais vraiment beaucoup) de temps aux séquences de procès, mais cela nous donne des plaidoiries, des interrogations de témoins et une délibération du jury d’un suspense haletant. On ne pourra pas s’empêcher de scruter les yeux des menteurs patentés, s’étonner de certains choix de mots inopportuns, sursauter aux révélations qui se succèdent, et surtout attendre avec une impatience croissante le dénouement de cette affaire hallucinante.

Cette approche permet aussi de disséquer le fonctionnement d’un procès, et de mettre en lumière les innombrables failles d’un système censé offrir à tous une chance équitable devant la justice. Entre une présomption d’innocence bafouée, des avocats de la défense incompétents qui travaillent secrètement pour l’accusation, des enquêtes hâtives où la recherche de suspect est bâclée, on s’aperçoit des nombreux disfonctionnement de l’affaire.

La série nous fait ressentir des émotions parfois dérangeantes. Par moment, on ignore vraiment où se trouve la vérité. Si vous aimez les séries policières, vous ne pourrez qu’aimer Making a Murderer qui est LA série policière par excellence, sûrement l’une des plus loufoques, mais surtout, la plus réelle !!

4/5