samedi 18 juin 2016

Show me a hero
















A première vue, les atouts de cette mini-série sont légion. Tout d’abord, elle est diffusée par HBO, qui ne fait presque jamais de faux pas et qui chaque année nous donne à voir des séries d’une qualité hors-norme, innovantes, surprenantes et cérébrales. Comme dit le dicton américain, « It’s not TV, it’s HBO ». Ensuite, elle a aux manettes l’un des showrunners les plus vénérés, David Simon, dont la série The Wire est considérée par beaucoup comme la meilleure de tous les temps. Enfin, elle a en acteur principal Oscar Isaac, qui au côté de Michael Fassbender, fait partie des acteurs les plus prometteurs d’Hollywood (A most violent year, Star Wars, Inside Llewyn Davies). Pour terminer, car c’est plus mineur, on retrouve derrière la caméra Paul Haggis dont la filmographie n’est pas transcendante mais qui a su prouver qu’il était capable du meilleur (Collision).

Avec autant d’atouts, on se dit que la série ne peut être qu’exceptionnelle. Et elle l’est, pour plein d’autres raisons encore. En premier lieu, la reconstitution des années 80 est remarquable. Elle n’est pas tape à l’œil, mais les costumes, les voitures, les mœurs et l’ambiance générale sont pleinement immersifs. En second lieu, le scénario, inspiré de faits réels, est édifiant. En résumé, la série nous raconte comment un juge opiniâtre oblige les politiques de la ville de Yonkers (état de New York) à construire des logements sociaux, essentiellement destinés aux Noirs, dans les quartiers « blancs » et « tranquilles » de la ville. Show me a hero dépeint un racisme ordinaire terrifiant et sinistre. Un racisme qui, de plus, n’est que très rarement mentionner de manière frontale, mais toujours sous couvert de prétendues différences sociales. Pour les réfractaires au projet de logements sociaux l’équation est simple : pauvre + noir = criminel. En troisième lieu, et je parlerai ici plus à titre personnel, la BO de la série est composée à 90% de Bruce Springsteen qui est l’un de mes chanteurs préférés. Pour les connaisseurs, vous retrouverez entre autres Hungry heart, 10th avenue freeze out, Brillant disguise, Secret Garden, Highway patrolman, Cadillac Ranch, My beautiful reward ou encore Gave it a name qui ouvre magnifiquement l’épisode pilote et la triste complainte Lift me up qui termine parfaitement le show. Ce choix de BO contribue d’ailleurs à rendre la série fidèle aux années 80 quand on sait que The Boss était sûrement le plus grand rocker de la décennie avec entre autres les sorties de The River en 1980 et le très fameux Born in the USA en 1984.
       
Ceux qui ont vu The Wire retrouveront ici ce qu’on pourrait appeler « La méthode Simon ».  Cette méthode a ceci d'extraordinaire que, dans ses limites comme dans ses fulgurances, elle souligne avec profondeur, met en valeur et magnifie systématiquement le thème de l'œuvre qu'elle illustre. Et quand le propos en question est inspiré et intelligent, le résultat frôle forcément la perfection. Même cause, mêmes effets, ramassée sur 6 épisodes, la trame narrative de show me hero rebutera ceux qui n'ont pas accroché à the Wire ou Treme, à cause de la mosaïque des personnages présentés, dont beaucoup n'imposeront leur cohérence narrative qu'en fin de récit. Pourtant, comme à chaque fois, les atouts de ce parti pris sont infiniment plus puissants que ses éventuels déchets. Ce qui donne une telle profondeur aux œuvres écrites par David Simon est la multiplicité des points de vue. Et comme à chaque fois, ce qui pourrait être perçu comme un pensum indigeste devient lumineux et évident grâce à la lucidité et la précision de l'écriture de l'ex-journaliste.

En six épisodes de 55 minutes, Show me a hero traite de nombreux thèmes importants comme le communautarisme, les préjugés confinant au racisme, la mixité sociale, le jeu cruel des politiques, la soif du pouvoir… C’est une série extrêmement dense et riche. 

4/5

mercredi 15 juin 2016

A Young Doctor's Notebook



A Young Doctor’s Notebook est une (mini) mini-série anglaise de 2 saisons de 4 épisodes de 22 minutes soit environ 3h. C’est une adaptation de Carnets d’un jeune médecin, recueil de nouvelles du célèbre romancier russe Mikhaïl Boulgakov, auteur notamment de Le Maître et Marguerite. Partiellement autobiographique, cette mini-série nous conte les mésaventures de Mika, un jeune médecin Russe, fraichement sortie d’école, et envoyé dans un hôpital au fin fond de la Sibérie pour prendre du galon.

La série a plusieurs qualités. Tout d’abord, les acteurs sont excellents, et cela n’a rien de vraiment étonnant quand on connaît la qualité de casting des productions britanniques. Le duo d’acteurs principaux est composé de Daniel Radcliffe (Harry Potter) et Jon Hamm (Mad Men). Daniel Radcliffe parvient ici à se détacher de son image de jeune sorcier et il nous convint qu’il est un acteur sur lequel il faudra compter, démontrant un talent comique très appréciable. Jon Hamm, que je ne connais pas pour n’avoir jamais regardé Mad Men, fait quant à lui preuve d’une présence et d’un charisme impressionnant. Il a une belle gueule et il joue bien, on n’en demande pas plus.     

La deuxième qualité vient de la narration. La série prend le parti de nous raconter les aventures du jeune Mika à travers les souvenirs du vieux Mika. Ainsi tous les épisodes commencent et se terminent par de courtes scènes où l’on suit Mika adulte, avant de plonger pour la majeure partie de l’épisode dans la rude vie sibérienne de ses jeunes années. Mais la subtilité ne s’arrête pas là, voyez-vous, dans l’œuvre de Boulgakov, on a le point de vue du futur écrivain face aux actions du tout jeune médecin qu'il a été. Et ceci, le réalisateur a su particulièrement bien l’adapter. En effet, le futur Mika apparait dans la narration de ses souvenirs, et on va le voir converser avec lui-même, parfois même en venir aux mains, essayant vainement de changer un passé qu’il sait déjà gravé dans l’histoire. Ces passages donneront lieux à des scènes d’humour très décalées.    

Oui car la troisième qualité de la série est clairement son humour. Tour à tour grinçant, gore, grave et hilarant, la série fait preuve d’un humour noir, absurde et cinglant. Il vous faudra aimer l’humour noir et ne pas être dégouté par la vue du sang, et vous devriez passer un bon moment. C’est une véritable comédie dramatique, dans laquelle les acteurs tiennent un jeu très théâtral à l'écran ce qui renforce l'absurdité des situations. Finalement le principal défaut de la série, c’est son format trop court. Faute au court format, on peut regretter des personnages secondaires un peu trop placés sous silence, de la rude aide-soignante Pelageya (Rosie Cavaliero) à l'hilarant Feldsher (Adam Godley) dont le passe-temps favori est la lecture d'atlas. En entier. Le contexte politique est lui aussi à peine effleuré (nous sommes en pleine révolution bolchevique).

Si vous aimez l’humour noir et anglais, c’est fait pour vous !

3.5/5

lundi 13 juin 2016

Dragons 1 & 2



 
















Je plains les adultes qui pensent que les films d’animation sont destinés aux enfants. Il faut être profondément stupide pour avoir un tel raisonnement surtout quand on voit le succès de chaque nouveau Pixar, dont l’ingéniosité et l’inventivité des long-métrages n’ont d’égal que leur sensibilité et leur émotivité. Et c’est sans parler d’Hayao Miyazaki et des studios Ghibli dont certains films font partie des plus belles œuvres cinématographiques de ce monde, et ce n’est pas une opinion personnelle comme en témoigne les notes spectaculaires du Voyage de Chihiro, de Princesse Mononoké et du Château dans le ciel sur Allociné, tant presse que sectateurs.

Je suis personnellement un grand fan de films d’animation et ce n’est pas pour rien que Princesse Mononoké est encore à ce jour mon long-métrage préféré. Film auquel je voue un véritable culte ! C’est mon amour de l’animation qui me pousse à venir vous parler ici de Dragons, la nouvelle saga des studios Dreamworks. Dreamworks n’a pas le génie de Pixar où la notoriété de Disney (qui sont maintenant une seule et même entité) mais a tout de même su nous donner quelques satisfactions avec entre autres Chicken Run, Shrek, Madagascar (le 1er), Les Croods ou encore Kung Fu Panda. Et contrairement à Disney qui gère très mal les suites (Mulan, Pocahontas, Aladin, Roi Lion, Livre de la jungle…), Pixar qui les gère avec plus (Toy Story) ou moins (Cars) de réussite, Dreamworks s’en sort plutôt bien comme en témoigne Shrek 2 qui est à mes yeux supérieur à l’orignal, Kung Fu Panda 2 & 3 qui sont à la hauteur de leur prédécesseur et bien sûr Dragons 2 qui est mille fois supérieur au premier.    

Car oui, la réussite magistrale de cette nouvelle saga Dreamworks, qui a débuté en 2010 avec Dragons, est de nous avoir pondu un second opus qui vient approfondir et sublimer toutes les qualités du premier. Avant de parler du second volet, attardons nous sur le premier. Ce dernier est esthétiquement efficace mais simple et nous plonge dans un univers quelque peu médiéval, fantastique, proche d'un vieux conte, avec une ambiance à l'humour direct et parfois un tantinet grinçant et un climat tout aussi hilarant que sombre. Il nous raconte l’histoire d’un village vikings en guerre contre des dragons depuis des siècles jusqu’au jour où, Harold, fils du chef viking, va se lier d’amitié avec un dragon, Crocmou, et apprendre à le (les) apprivoiser. Crocmou est tout simplement l'une des meilleures créations animales portées à l’écran. Il est capable de camper l’animal de compagnie faisant littéralement fondre son spectateur dans un immense "J'LE VEUUUUX !!!!", comme de devenir le dragon trop classe qu'on craint et respecte. Il est l'incarnation de l'ami imaginaire parfait, l'ange gardien rêvé, silencieux et bourru, grincheux et reconnaissant, protecteur et bienveillant, beau et puissant. Si les thèmes du film n’ont rien de très originaux, l’amitié qui va naitre entre Harold et Crocmou est l’une des plus belles que le cinéma d’animation (et le cinéma tout court) ait pu nous concocter depuis bien longtemps. Gamin rejeté et animal traqué vont s'embarquer main dans la patte sur le chemin initiatique de la reconstruction personnelle, construisant petit à petit une interdépendance qui n'est pas tant physique que spirituelle.

C'est techniquement un cran en dessous d'une production Pixar bien entendu. C'est une différence de moyens investis. On le sent s'y on s'y attarde. Mais on s’en tape un peu car c’est franchement beau. Le film est d'une simplicité esthétique implacable, enlaçant ses scènes de complicité entre l'homme et la bête dans une imagerie d'une beauté sidérante. Ces images nous transportent réellement, et l'espace d'un instant, on vole aussi sur le dos d'un dragon d''un noir d'encre sur un coucher de soleil aux tons pastel émerveillant, la BO absolument magistrale de John Powell dans les oreilles.

En animation comme en comédie, les suites n’ont pas la vie facile. Bien souvent, les créateurs reprennent leurs personnages à l’identique et leur donnent une nouvelle aventure en réutilisant les mêmes ressorts humoristiques. Si ça peut fonctionner sur une voire (grand max) 2 suites, le mécanisme s’épuise très rapidement #AgeDeGlace. Dans ce second volet de la saga Dragons, Dean Deblois fait le choix, très avisé, de réaliser une ellipse de 5 ans. Ainsi, Harold passe de l’adolescent au jeune adulte et l’on assiste alors à un vrai développement de personnage, chose trop souvent négligé dans les films d’animation. Mais le film ne fait pas qu’approfondir la psychologie des personnages, il explore aussi le monde merveilleux que l’on nous avait introduit dans le premier opus. On va donc partir à la découverte de nouvelles terres en compagnie d’Harold et de Crocmou, de nouveaux dragons (toujours plus beaux et inventifs), de nouveaux peuples…

Si le scénario n’est pas vraiment plus original que le premier opus (quoi que les deux restent très respectables), il a cependant des enjeux et une noirceur plus prononcés. Il ne fait donc aucun doute que Dragons 2 plaira aux enfants comme aux adultes. Il y a cette fois un vrai méchant, charismatique et nuancé. John Powell est reconduit pour la BO et il nous gratifie d’une très belle musique. Enfin la qualité des graphismes et des textures est époustouflante et c’est bien amélioré par rapport au premier volet. L'animation folle de créativité, est toujours au service de l'excitation du spectateur ravi et est d'un humour visuel gourmand.

[SPOILERS sur Dragons 2]. Le film m’a par moment fait pensé au Roi Lion, qui au passage mon Disney préféré. En effet, le père d’Harold meurt sous ses yeux et ce dernier essaye de le réveiller un peu à la manière de Simba. Ensuite, sa mère lui dit « N’oublie pas qui tu es » alors qu’en fond on voit un halo de lumière. Puis plein d’autres petites choses comme la cicatrice à l’œil du méchant à l’instar de Scar, où la vieille du village qui a vraiment des airs de Rafiki et qui, comble de la ressemblance, dessine avec ses doigts sur le front d’Harold avec une mixture étrange. On pense aussi un peu à Princesse Mononoké au moment des retrouvailles entre Harold et sa mère, tant dans les visuels (le masque de la mer) que dans la symbolique (l’esprit de la forêt incarné par l’alpha).

Dragons est une superbe saga d’animation, qui a d’ailleurs donné naissance à une mini-série de 4 épisodes il me semble, et qui engendra un troisième volet en 2018. Dragons 2 est quant à lui un chef d’œuvre du cinéma d’animation, il vient se placer dans mes favoris aux côtés des Miyazaki et des tous meilleurs Disney.  

Dragons 4/5

Dragons 2 : 5/5