jeudi 24 novembre 2016

Rick and Morty

















Premièrement, il faut le dire tout de suite, Rick & Morty n’est pas une série pour tout le monde. Si, de base, vous n’êtes pas un grand fan de cartoon, je pense que vous aurez du mal à adhérer. Les dessins sont, …spéciaux, de première abord même plutôt agressif, mais on finit par les aimer. De plus, l’humour est très sale et noir. Par exemple, l’un des personnages principaux rote perpétuellement en parlant, ce qui en fait la beauté de son personnage pour moi (et de l’enregistrement de sa voix par Justin Rolland) mais ce qui en dégoutera plus d’un.

A première vue, ça pourrait évoquer les cartoons pour adultes comme Family Guy, les Simpsons, ou American Dad, qui fonde leur socle narratif sur la dynamique familiale. Mais en réalité, bien que composée d’excellents personnages secondaires, la famille n’est qu’une excuse, un prétexte aux aventures “what the fuck” du fils Morty et de son hyper-intelligent scientifique mais alcoolique grand-père Rick. La série créée par Justin Rolland et Dan Harmon, était originellement un court métrage intitulé Les Aventures de Doc and Mharti, qui était, vous l’aurez compris, une parodie de Retour vers le futur. Il en résulte une série complètement surréaliste, allant puiser ses inspirations dans Retour vers le futur, bien évidemment, mais aussi dans l’humour anglais de Doctor Who et The Hitchhiker's Guide to the Galaxy. Rick & Morty appartient au mouvement littéraire, et philosophique, du cosmicisme*, qui statut, en résumé, que l’existence humaine est insignifiante dans le cadre plus vaste de l’existence intergalactique, une philosophie que l’on attribue à l’écrivain américain Howard Phillips Lovecraft.  

Utilisant une machine qui matérialise des portails multidimensionnels où il veut et quand il veut, le grand-père, et son petit-fils, ont la capacité de se rendre dans une infinité de dimensions, une infinité de lieux plus bizarres les uns que les autres. Mais grâce à son côté cartoon et à la manière avec laquelle elle est construite, la série parvient à maintenir une cohérence dans son irrationalité. Bien qu’animée d’une imagination débordante et blindée de références, comme Jurassic Park, Inception ou Nightmare on Elm Street, pour ne citer qu’elles, la série parvient toujours à rester fidèle à son univers de science-fiction peuplé d’aliens bizarroïdes et de voyage dans le temps complétement insolites. Elle se sert très bien de ses références, parfois même en les modernisant et les enrichissant, et ne fait pas partie de ses séries, comme The Big Bang Therory, qui reposent presque uniquement sur la référence, à tout prix, ou comme diraient les américains, « for the sake of it ».

Rick & Morty n’hésite également pas à s’attaquer à des sujets « importants », comme la fragilisation du système éducatif américain ou l’uniformisation des pensées et des modes de vie. Et si la série traite parfois de sujets plus sensibles et tabous, ça ne parait pas forcé, ni uniquement là pour choquer comme dans un show à la Family Guy, mais plutôt pour créer quelque chose de nouveau, ou s’inscrivant dans la narration. Un peu comme Bojack Horseman et F is for Family (deux autres séries d’animation Netflix), Rick & Morty n’hésitent pas à aller au fond des choses, je veux dire par là à parfois tirer sur la corde émotionnelle. Les relations entre les personnages sont bien plus approfondies que dans des sitcoms animées comme Family Guy, Simpson et compagnie. Certains arcs narratifs, à première vue anodins, finissent parfois par payer de manière spectaculaire et inattendue.

En résumé, c’est définitivement pour un public averti, mais si vous rentrez dans le délire, c’est un pur plaisir. C’est une des séries les plus « geek » qu’il existe, innovante, et, qui derrière une façade peu accueillante, est nourrie de réflexions profondes sur notre société. C’est un pur bijou.     

Cosmicisme : Philosophie qui statut qu’il n’y a pas de présence divine reconnaissable, comme un dieu, dans l'univers et que les humains sont particulièrement insignifiants dans le cadre plus vaste de l'existence intergalactique et qui seraient seulement une espèce primitive projetant ses propres superstitions sur le vaste cosmos. Cela suggère également que la majorité de l'humanité serait donc un amas de créatures sommaires et insignifiantes au regard de luttes d'influences à l'échelle cosmique, où des forces incommensurables - formes de vie quasi omnipotentes ou races très anciennes et très sages à la technologie avancée - mènent une lutte dont la puissance, les enjeux et les forces dépassent notre entendement.

5/5

dimanche 6 novembre 2016

Black Mirror














A l’image de The Twilight Zone, Black Mirror est une anthologie d’épisodes d’environ 1h se déroulant dans un futur plus ou moins proche. Ainsi, les épisodes sont indépendants les uns des autres, mais ont tous un thème en commun, les potentielles dérives de notre société suscitées par les nouvelles technologies. Très sombre, la série pourrait même être qualifiée de dystopie tant elle dépeint (dans la grande majorité des épisodes) un monde cruel, troublant, inquiétant et presque inhumain. Son créateur et scénariste, Charlie Brooker, explique dans un entretien que si la plupart des séries sont faites pour rassurer, charmer et galvaniser le spectateur, lui a décidé de créer une série cherchant à déstabiliser, perturber, et disons le carrément, mettre mal à l’aise le spectateur. Il décrit lui-même la série comme « a box of dark chocolate ». Comprenez par-là, pour reprendre l’image de Forrest Gump, que vous ne saurez jamais à quoi vous attendre, mais vous pouvez être sûr d’une chose, ce sera toujours noir. Animé par l’inquiétude, la crainte et l’angoisse, Charlie Brooker part d’une utilisation bien réelle des nouvelles technologies, l’enrichie en la transposant dans un futur proche, et crée à partir de là un scénario catastrophe (« a worst case scenario » pour reprendre ses termes). Et il est parfois déroutant de voir à quel point son imagination rattrape la réalité. La série s’attaque notamment à notre soif de divertissement, à la télé réalité, aux réseaux sociaux, à l’intelligence artificielle et d’autres « mind fuck » qu’il serait trop compliqué d’expliquer ici.

Black Mirror est une série anglaise de 3 saisons, les deux premières saisons comportent 3 épisodes chacune et ont été diffusé entre 2011 et 2013 sur la chaîne britannique Channel 4. Les droits de la série ont ensuite été rachetés par Netflix qui vient de sortir (21 octobre 2016) une troisième saison, cette fois composée de 6 épisodes. Comme chaque épisode est réalisé par un réalisateur différent, et comme ils n’ont pas d’intrigues communes à respecter, on ressent réellement la disparité dans les choix visuels et artistiques. On se retrouve finalement face à un ensemble de mini-films et c’est très plaisant car tous sont réalisés avec qualité et distinction. Concernant le casting, il n’y a également rien à reprocher. Tous les choix sont impeccables et la série a notamment contribué à lancer la carrière de certains acteurs comme Domhnall Gleeson dont l’apparition dans l’épisode 1 de la saison 2 a été très remarquée. Enfin, chaque épisode raconte une histoire véritablement originale qui comporte presque toujours un twist purement délectable.

En résumé, Black Mirror c’est plus que de la télévision, c’est presque du cinéma tant l’originalité des histoires et la qualité cinématographique (surtout dans la saison 3) sont au-dessus de la mêlée. Finalement, le seul défaut de la série est le trop peu d’épisodes pas saison. Mais on peut se rassurer car il semblerait que Netflix ne s’arrête pas à cette 3ème saison.

PS : En 2014, Black Mirror a sorti un épisode « spécial Noël » de 1h12, comme les anglais aiment les faire (Sherlock étant également passé par là). Ce dernier est un pur bijou avec tous les ingrédients cités ci-dessus. On retrouve un casting extraordinaire avec par ailleurs l’excellent Jon Hamm (Mad Men et A young doctor’s notebook), une histoire sophistiquée et singulière, et un twist de fin plutôt bien amené (même si légèrement prévisible).

A consommer sans modération, ou avec si vous êtes naturellement d’humeur dépressive.  

5/5


vendredi 4 novembre 2016

Juste la fin du monde

















Dolan divise. Certains l’adulent. D’autres le détestent. Je faisais jusque-là partie de la première catégorie, mais Juste la fin du monde est venu calmer mes ardeurs. Si le film est loin d’être raté, il n’a pas la magie et la folie dolanienne qui faisait de Mommy, notamment, un chef d’œuvre du 7ème art.

Le point fort du film, presque le seul, est indiscutablement son casting. Ça me fait tout drôle d’écrire cela alors que je voyais dans ce casting une fausse bonne idée. Moi qui déteste profondément Marion Cotillard et Léa Seydoux, qui sont probablement les actrices françaises les plus surcotées du cinéma francophone, je me retrouve tout penaud. Car il faut le dire, Marion Cotillard est juste extraordinaire. Pour moi qui n’aie pas vu La Môme, je trouve qu’elle interprète ici son meilleur rôle. Touchante, rassurante et douce, elle navigue autour de cette famille dégénérée comme une présence fantomatique. Son personnage fait partie de ces personnes qui te font te sentir mieux avec un simple sourire. Vincent Cassel prouve quant à lui qu’il en a encore sous le capot avec une interprétation faite de tremblements, où la rudesse se mélange avec une certaine fragilité. Tout le monde est bon, et Dolan nous démontre encore une fois qu’il maitrise à la perfection la gestion de ses acteurs.

Cependant voilà, le reste est un peu faible. Le cinéma de Dolan repose sur le mouvement, l’art de la diversion, la folie, l’emportement, la frénésie, alors quand Dolan s’attaque à une adaptation de pièce de théâtre, en vase clos donc, la magie de son cinéma disparaît peu à peu. En termes de réalisation d’ailleurs, le film est assez pauvre. S’il joue parfois habilement avec la profondeur de champs, il se cantonne principalement à répéter le même processus : plan d’ensemble pour présenter la scène, puis gros plan sur les visages des personnages quand ils parlent. Et la répétition de ce mécanisme devient vite chiante. Au final, le film se réduit malheureusement à une juxtaposition de monologues. Chaque personnage joue sa partition indépendamment des autres et jamais l'intrigue ne progresse du fait de l'interaction stérile entre les différents membres de la famille.


Si certaines scènes parviennent à faire tilt (Cotillard parlant de ses enfants, Baye expliquant à Ulliel qu'il est l'homme de la famille ou la dernière scène du film), le tout est un peu faiblard, parfois presque ennuyant mais définitivement décevant.



2.5/5