mardi 31 janvier 2017

La La Land



 














Fin 2014, Whiplash, le deuxième long-métrage de Damien Chazelle, avait pris tout le monde de court, et avait secoué le monde cinématographique. C’était une vraie bombe, une claque pour tous les amoureux de cinéma. Deux ans plus tard, le jeune prodige de 32 ans revient en force avec une merveilleuse comédie musicale, La La Land.

Avant de traiter de la finesse d’écriture du film, évoquons rapidement l’aspect technique. Le film s’ouvre sur un plan séquence stupéfiant de maîtrise qui pose les bases d’une cinématographie irréprochable. Les plans larges de Los Angeles au lever du soleil sont d’une beauté époustouflante et, tout au long du film, Damien Chazelle utilise les couleurs à la perfection. A ce titre, je vous conseille lavidéo Youtube du Fossoyeur de films, qui vous expliquera mieux que moi le travail remarquable de Chazelle sur les couleurs. Que ce soit au travers de l’utilisation des codes couleurs, des chorégraphies ou de la lumière, le film mérite d’être montré à tous les étudiants en école de cinéma. A la fois très respectueuse des grands classiques du genre mais en ne rejetant absolument pas la modernité, la réalisation de Damien Chazelle est totalement en adéquation avec son sujet.

Le film est également porté par un casting remarquable. Emma Stone confirme qu’elle est une actrice talentueuse, à prendre au sérieux pour les années à venir. Quant à Ryan Gosling, il est incroyable. J’ai une histoire un peu compliqué avec lui. Pendant longtemps, j’ai été complètement hermétique à son jeu d’acteur. Je ne l’aimais pas. Ses performances sans nuance dans Drive, The Place Beyond the Pines ou Only God Forgives m’exaspéraient au plus haut point. Je ne comprenais pas l’engouement autour de cette acteur, qui pour moi n’était pourvu que d’une belle gueule. Seulement voilà, l’année 2016 a tout renversé. Ryan Gosling s’est mis à jouer des comédies (The Big Short, The Nice Guys, et dans une certaine mesure La La Land) et j’ai découvert un nouvel acteur. Un acteur, un vrai, qui transmet des émotions à travers sa posture, son visage et sa gestuelle. C’est même devenu un de mes acteurs comiques préférés.

Venons-en au sujet du film. Le scénario est à première vue bien simpliste, c’est la rencontre amoureuse, à Los Angeles, entre une actrice et un musicien de jazz qui tentent tous les deux de faire leur trou. Mais il y a pour moi une métaphore cachée dans cette histoire d’amour, elle nous décrit l’histoire des comédies musicales, la rencontre entre le 4ème et le 7ème art, quand la magie opère. Des débuts hésitants à l’harmonie parfaite de deux courants artistiques qui fusionnent, le film nous fait revivre les années d’or d’un genre qui vit aujourd’hui principalement dans la nostalgie. ATTENTION SPOILERS. Et justement, le film nous conduit au même dénouement. Nos deux amoureux empruntent des chemins différents, ils modernisent leur talent et s’écartent l’un de l’autre. La fin du film, totalement bouleversante, fait se rencontrer une nouvelle fois nos amoureux pour partager le souvenir du passé ! S’étant toujours aimés, Mia (le cinéma) et Sébastian (la musique) partagent une explosion de joie, de dynamisme et revivent un amour idéalisé. Pendant une courte parenthèse, ils s’évadent dans leur nostalgie et se souviennent pourquoi ils se sont tant aimé et puis, d’un simple petit mouvement de tête, se saluent et retournent vivre leurs carrières chacun de leur côté… Magnifique, tout simplement… Fin du SPOILER.   

La La Land est une déclaration d’amour au jazz, au cinéma, et à Los Angeles. C’est film puissant sur l’amour, les rêveurs et la magie des rencontres. C’est un film qui rend heureux. C’est un beau grand film. 

4.5/5


samedi 28 janvier 2017

Hunt for the Wilderpeople
















What we do in the shadows, le troisième long-métrage du réalisateur néo-zélandais Taika Waititi, avait été un de mes coups de cœur de 2015. Il est revenu en 2016 avec Hunt for the Wilderpeople, un film complètement différent de la comédie-horrifique sous forme de documentaire qu’était What we do in the shadows, mais toujours avec les mêmes ingrédients, un humour décalé, un imaginaire fort, une réalisation intéressante et un environnement déstabilisant. On sent la pâte d’artiste, celle de quelqu’un qui cherche toujours à proposer quelque chose de nouveau sans délaisser le divertissement auquel il est très attaché. En parlant de divertissement, les studios Marvel lui ont d’ailleurs offert la casquette de réalisateur du troisième opus de la franchise Thor. Le film est annoncé comme un buddy-movie entre Thor et Hulk et connaissant la pâte particulière de Taika Waititi, on peut attendre un bon film Marvel. Espérons qu’il puisse faire entendre sa voix au milieu d’une industrie cinématographique hollywoodienne qui tue peu à peu toute créativité.

Hunt for the Wilderpeople part d’une idée simple mais originale. Rick Baker, un jeune délinquant sans parents, baladé de famille d’accueil en famille d’accueil, se retrouve finalement confié à un vieux couple d’agriculteurs vivant dans la “jungle” néo-zélandaise. Après certaines péripéties, le père et le fils adoptif se retrouveront seuls dans la forêt, en mode survie. Le film vaut le coup d’être regardé pour tout un tas de raison. Tout d’abord, pour la découverte de la Nouvelle-Zélande à travers la caméra bien maitrisée de Taika Waititi. Après la série Top of the Lake c’est une nouvelle facette de la Nouvelle-Zélande qui je découvre. Le film sait être très drôle,  avec les personnages de l’agent pour la protection de l’enfance et  le pasteur (interprété justement par Taika Waititi), mais il sait également être dramatique et émouvant en travaillant bien ses personnages. Parlant de personnages, on a justement un casting parfait ! Le jeune Julian Dennison, agé seulelment de 14 ans, est phénoménal. Il y a tellement de performances médiocres ou carrément mauvaise d’acteur-enfant qu’il est toujours vraiment plaisant et intéressant de voir un jeune talent éclore. Avec le casting de la série Stranger Things, 2016 était un bon cru. Il est accompagné par Sam Neill, acteur néo-zélandais également, que vous reconnaitrez pour l’avoir vu dans le rôle d’Alan Grant dans Jurassic Park ou plus récemment dans les séries anglaises Peaky Blinders et And Then There Were None.


Si vous cherchez un film sortant de l’ordinaire, je vous conseille grandement Hunt for the Wilderpeople, et je vous recommande de suivre la carrière de Taika Waititi car c’est assurément un réalisateur de talent. 

3.5/5

Westworld
















Westworld, si vous n’en avez pas encore entendu parler, vous êtes à la bourre. C’est probablement, disons potentiellement, le nouveau Game of Thrones. C’est en tout cas l’intention notoire de la chaîne HBO qui sait que sa série phare arrive bientôt à son terme (2 saison raccourcies, 13 épisodes en tout). Si la chaîne diffuse chaque année plusieurs séries d’une qualité remarquable (Showme a Hero en 2015, The Night Of en 2016 pour ne citer que des productions originales), il lui faut tout de même un remplaçant à la colossale et prodigieuse série médiévale-fantastique. Pour ça, quoi de mieux qu’une série de science-fiction, au Far West, mélangeant divertissement et questionnement existentielle, produite par J.J.Abrams (Lost, Alias) et avec Jonathan Nolan, frère et scénariste de Christopher Nolan (Inception, Interstellar), en showrunner (création, réalisation, scénario). Et c’est sans mentionner l’immense Anthony Hopkins dans l’un des rôles principaux, information qui aura attiré l’attention de plusieurs amateurs.  

Autant vous dire que sur le papier, ça a de la gueule. Et en vrai, bah ça a de la gueule aussi. La série n’est  pas une idée originale puisqu’elle est en réalité un reboot d’un film de science-fiction datant de 1973. L’idée est cependant géniale et dans un monde où l’on recycle tout ce qui a déjà été fait, il est surprenant, et à la fois rassurant, qu’on est attendu 43 ans pour réadapter cette idée dans un format infiniment plus adéquat. Mais qu’elle est donc cette idée ? Dans un futur assez lointain, un parc d’attraction recréant l’Ouest américain et peuplé d’androïdes, a été ouvert pour que les plus riches puissent y venir se défouler sans conséquence. Par androïdes, entendez robot-humains travaillés dans les moindres détails, pratiquement indiscernables de leurs homologues de chair et d’os. La journée au parc coûte, il me semble, autour des 40K, donc indiscutablement pour une élite, et on y vient pour vivre une expérience plus vraie que nature, sans faux-semblant, sans vernis ni masque, pour y trouver sa vraie personnalité, son moi profond et bestial, son essence pure, mais aussi, et principalement, pour buter du cowboy et baiser de la pute. Les androïdes, autrement appelés « hôtes », sont dotés d’une intelligence artificielle haut de gamme aux multiples variables ajustables, mais aussi d’une petite part d’improvisation, tout de même contenue dans des boucles narratives.  Pour ne pas trop en révéler, je peux juste vous dire que des bugs surviennent dans le comportement des hôtes.

Terminée depuis environ un mois, la série fait déjà extrêmement parler d’elle. Tout d’abord, les dialogues, tout comme les acteurs qui les délivrent, sont d’une justesse incroyable. Je vous conseille la vidéo essai du Youtubeur américain The Nerdwriter, dans laquelle il analyse un dialogue de la sérié, démontrant la précision dans l’écriture et toutes les nuances dans l’interprétation éclairée d’Anthony Hopkins. Outre les acteurs et l’écriture, il faut saluer la  qualité dans la production cinématographique. La reconstitution de l’Ouest américain est extrêmement bien travaillée, et l’univers créé pour les parties futuristes est également pourvu de bonnes idées (lumière bleu/rouge, les grandes baies vitrées en guise de box de bureau). Enfin, ce qui élève déjà la série au rang de potentielle « superstar » des années à venir, c’est les questions qu’elle pose, indirectement, sur l’intelligence artificielle, les frontières qui constituent la vie humaine, l’existence d’une « méta-conscience »…

Mais voilà, si j’ai beaucoup aimé cette première saison, je me fais du souci sur la capacité qu’à la série à rebondir et nous maintenir en haleine pour les 5/6 années à venir. On sait déjà qu’on aura probablement le droit à d’autres parcs (Samouraï et consorts), mais j’ai peur que la série recycle les mêmes questions, écules les mêmes révélations, et qu’elle ne nous mène finalement nulle part. La série est complexe, retorse, et follement ambitieuse, comme Lost (surprise !!!!), Westworld donne indéniablement envie de discuter, d’en découdre. Mais Lost nous a aussi fait pleurer (Charlie RIP). Pas sûr que Westworld s’abaisse à ce genre de premier degré, mais on verra.  Je ne serais pas aussi catégorique, mais le New Zealand Herald a titré un article : «Comment HBO vient de tuer l’âge d’or des séries», expliquant qu’avec cet objet «pompeux» et «sur-signifiant», la chaîne à péage américaine mettait elle-même un terme à ce qu’elle avait contribué à lancer magnifiquement au tournant du millénaire avec les Soprano et The Wire, des séries vivantes et organiques, qui contrastent avec la relative froideur de Westworld. [SPOILERS] Enfin, pour illustrer ma peur concernant le renouvellement créatif de la série, je pointerais du doigt l’arc narratif finalement assez pauvre de « l’homme en noir », dont les péripéties ont été relativement inutiles, ainsi qu’un certain sentiment d’avoir assisté à un long prologue de 10 épisodes.

En somme, je ne pense qu’elle sera la « série-monde » qu’elle semble destinée à être. Personnellement elle reste assez loin de mon top 5, même dans sa catégorie (drame). Mais elle mérite quand même amplement votre attention. Si c’est un jour le nouveau Game of Thrones vous serez fier de dire que vous faisiez partie des premiers.

4/5




mercredi 25 janvier 2017

Don't think twice

















A l’instar de Hello my name is Doris, Don’t think twice est sorti aux Etats-Unis dans un relatif anonymat. A New-York, le film ne fut projeté que dans un cinéma. Cependant, le film fut très bien reçu par le public ainsi que les critiques. Pour preuve, avant de se faire détrôné par Moonlight en fin d’année, Don’t think twice avait le record annuel du plus gros profit ramené au nombre de projections pour un week-end d’ouverture.

Pour faire simple, on suit la vie d’un groupe d’impro qui performe régulièrement dans une petite salle de théâtre New-Yorkaise. Tous semblent heureux jusqu’à ce que des différends professionnels viennent foutre la merde. Don’t think twice fait partie de ces films vrais, de plus en plus rares à l’heure où le divertissement abrutissant est roi. C’est un « beau » film, un film où on ressent de manière presque palpable l’alchimie entre les personnages. Une alchimie rendue possible par le très bon travail d’écriture sur les personnages, qui sont dégrossis avec simplicité et honnêteté, et dont chaque détail est travaillé, jusque dans les vêtements, accessoires primordiaux pour accentuer la crédibilité d’un personnage.    

Le film est qualifié, à juste titre, de comédie-dramatique. En effet, de par le sujet traité, l’improvisation, Don’t think twice est par nature tourné vers la comédie avec des passages qui vous feront probablement sourire, doucement mais surement. Mais au-delà de ça le film est bien plus tourné vers le drame et les discordes latentes entre les différents membres du groupe. Les éléments extérieurs, sortes de péripéties propres à chaque protagoniste, sont également assez lourds de sens et de conséquences, mais servent toujours joliment l’histoire.   

Le film bénéficie d’un rythme parfait, d’acteurs rondement bien menés et de personnages bien ficelés. C’est une pure réussite qui se paye en plus le luxe d’une fin bien exécutée.

A voir !    

4.5/5