J’aime profondément la
filmographie de Richard Linklater. Sa trilogie Before (Sunrise, Sunset, Midnight) est l’une de mes œuvres cinématographiques
préférées. L’ensemble de son œuvre est caractérisée par la fluidité du temps
qui passe, et globalement un concert de bons sentiments. Ses films parviennent
à capter des « moments de vie » comme peu de caméras savent le faire.
Ses films sont simples mais extrêmement bien écrits, donnant au tout une
impression de réalité confondante et une
complète immersion du spectateur.
Boyhood est un film extraordinaire, qui sera (est ?) sûrement
étudié en école de cinéma. Richard Linklater a entrepris le pari fou, en 2002,
de commencer un film, dans l’idée de le poursuivre, un peu chaque année,
pendant 12 ans, jusqu’à obtenir une évolution de personnage complètement
transparente. Comme impression de réalité confondante, ça se place là quand
même ! Ainsi, on voit toute une famille évoluée dans un faux-semblant de
temps réel, avec des ellipses parfois presque imperceptibles tant la fluidité
de la réalisation nous emmène avec elle. Pourtant les ellipses sont bien là, et
on voit le jeune Mason grandir, de 6 à 18 ans, accompagné de sa sœur aînée et
de ses parents divorcés.
Le scénario de Linklater, écrit
au fil de l’eau en fonction de l’évolution de ses acteurs, est plutôt simple, n’évitant
pas certains clichés, mais foncièrement teinté de vérité et de substance. Le
film n’a pas d’action vraiment marquante, il n’a pas de changement drastique
de situation, il est le miroir du temps qui passe, d’une enfance que l’on suit
pas à pas, d’une vie relativement banale de garçon qui devient jeune adulte.
Tout le film repose sur cette immersion dans la vie de cet enfant, que la
caméra de Linklater filme de son élégante simplicité, jusqu’à ce qu’on ne
veuille plus que cela s’arrête. Car si le film dure 2h40, j’aurais voulu qu’il
dure 6h pour pouvoir suivre Mason encore un peu plus loin dans sa vie.
Les acteurs sont bien évidemment
tous excellents, très bien dirigés par Linklater. Le jeune Ellar Coltrane (Mason)
a un visage qui pousse à la sympathie et il délivre une performance incroyable
durant les 12 années. Il surjoue peut-être légèrement durant l’adolescence,
mais peut-on vraiment le condamner pour ça ? La sœur, Lorelei Linklater, fille
du réalisateur, est également incroyable, surtout pendant plus ses plus jeunes
années. Les parents ne sont pas laissés
pour compte pour autant, les deux, Patricia Arquette et Ethan Hawke, ce dernier
habitué du réalisateur car présent dans la trilogie Before, percent l’écran.
L’essence du cinéma ne
repose-t-elle pas sur l’immersion du spectateur dans un univers parallèle, que
constitue l’histoire racontée. Si vous êtes en accord avec cela, et que vous
êtes ouverts au pari fou de Linklater, alors Boyhood constituera pour vous un chef d’œuvre. Pour moi, il ne fait
aucun doute que Boyhood est un très
grand moment de cinéma.
5/5