The Revenant est une vraie leçon de cinéma, une claque, un tour de
force. C’est un film qui transcende les limites du cinéma et prouve les vertus
d’un dévouement absolu pour la création d’une œuvre d’art. En d’autres termes, The Revenant est un chef d’œuvre. Je
pense même pouvoir dire avec certitude que c’est l’une des trois expériences
cinématographiques les plus envoutantes, enivrantes et viscérales que je n’ai
jamais eu de ma vie. Le film dure pourtant 2h30 et dieu sait que les « longs »
films me font souvent trépigner d’impatience, mais là j’étais dans l’incapacité
de décrocher mes yeux de l’écran, complétement happé par ce dernier. Chose encore
plus rare, il se pourrait même que je retourne voir The Revenant dans les salles obscures. Parce que s’il y a bien un
film qu’il vous est interdit de regarder sur un écran d’ordi ou sur votre télé,
c’est bien The Revenant. Alors s’il
vous plait, amis pirates de la toile, ne téléchargez pas ce film (déjà
disponible depuis plusieurs mois malheureusement).
La cinématographie de The Revenant a été très largement débattue
et encensée au cours de ces derniers mois étant donné que le film est sorti depuis
un moment aux Etats-Unis. Toute personne ayant suivi ne serait qu’un peu la
sortie du film, a pu entendre ça ou là des histoires sur les conditions de
tournage exécrables et incroyablement pénibles. Car oui, Alejandro González
Iñárritu et toute son équipe ont fait preuve d’un dévouement et d’un engagement
hors norme. L’intégralité du film est tournée au Canada, dans des endroits
fortement reculés, en plein hiver et tout en lumière naturelle. Cette dernière
caractéristique fut la plus difficile à gérer, avec des conditions
météorologiques incroyablement aléatoires qui n’offraient parfois qu’une mince
fenêtre d’une heure et demie pour tourner sur la journée. Mais qu’est-ce que le
résultat est magnifique, le réalisateur mexicain nous dévoile des plans d’une
beauté renversante, et si tant est que l’on soit ému par la beauté de la
nature, on en pleurerait !
L’autre élément qui frappe et
participe à la création d’une œuvre fascinante et captivante, c’est la volonté
d’être au plus proche du réel. Le réalisme du film est à se taper la tête
contre les murs et c’est bien en cela que le film transcende les limites du
cinéma. La virtuosité et l’abnégation dont fait preuve Alejandro González
Iñárritu, nous fait douter de tout. On se questionne constamment sur la réalité
des scènes et on se demande comment de tels plans ont pu être tournés. Leonardo
Di Caprio revient souvent en interview sur les conditions de tournage et son
expérience sous la houlette du cinéaste mexicain. Il est donc de notoriété
publique que Leo a eu la grippe à plusieurs reprises, qu’il a réellement mangé
du foie de bison, que les températures de tournage étaient régulièrement en
dessous de 0, et que chaque protagoniste de l’équipe de film n’avait qu’une
obsession, se réchauffer. On sait également qu’Alejandro
González Iñárritu a mis en place un camp d'entraînement pour que chacun des
acteurs s'aguerrisse à la vie des hommes des Rocheuses. On y apprend donc à manier
les fusils à silex, apprendre à dépecer les castors et à lancer des tomahawks.
Tout cela participe au sentiment d’immersion du spectateur.
Les acteurs sont également une importante
source de satisfaction. Leonardo Di Caprio est éblouissant et il est impossible
de voir un autre acteur décrocher l’Oscar. Certains de ses détracteurs
prétendent que ce dernier « grogne » plus qu’il ne parle dans le
film. Mais je trouve justement ses grognements tout à fait appropriés et
dégageant un engagement infaillible. Comment ne pas récompenser un acteur,
outre le fait que l’Oscar lui ait échappé à 5 reprises, sur son niveau extrême
d’engagement pour un résultat épatant. Leonardo Di Caprio continue de prouver
qu’il est un des plus grands acteurs de sa génération. Mais les seconds rôles
ne sont pas à plaindre et Tom Hardy est également un lauréat en puissance de l’Oscar
du meilleur second rôle. Toujours en marmonnant et en empruntant des accents
sortis d’outre-tombe, le britannique délivre une interprétation remarquable
rendant parfaitement la pareille à Leo. Pour finir, Domhnall Gleeson confirme qu’il
est un grand acteur en devenir après son rôle magnifique dans Ex Machina l’an
passé.
Venons-en maintenant à l’histoire
et donc au scénario qui est l’élément principal de discorde autour du film. J’ai
pu lire çà et là des critiques comme « le scénario avance péniblement,
laborieusement, sans surprise, laissant le spectateur un peu seul face aux
beaux paysages » ou encore « scénario convenu » et j’en passe. C’est
vrai que le scénario ne se distingue pas par son inventivité mais on parle bien
d’un film de survie. Et c’est donc plutôt une bonne chose de mon point de vue.
Les péripéties restent très simples mais elles participent au sentiment de
réalisme et rendent le cheminement du personnage principal crédible. Bon ça
reste un film donc des évènements paraissent parfois un peu rocambolesque et le
héros se tire de situations un peu improbable mais toujours avec un certain
ancrage dans le réel, bien loin de l’extravagance de Gravity par exemple. Et puis toutes les longueurs que l’on peut
subir, Alejandro González Iñárritu veut qu’on les subisse pour avancer avec les
personnages et vivre leur périple par procuration afin de ressentir la même
joie, peine ou soulagement. Le scénario d’un survivor n’a pas besoin de fioritures et de remplissage. Le débat
pour moi n’a donc pas lieu d’être. C’est convenu, mais c’est normal. Et
certaines scènes (comme celle de l’ours) suffisent par leur ingéniosité à
donner sa substance au film. Pour conclure, on peut dire que le film délaisse
la narration au profit du visuel mais qu’avec un visuel si fort qu’il te
raconte une histoire à lui tout seul.
Si on émet maintenant quelques
réserves, qui ne m’empêcheront cependant pas de donner la note de 5/5, on peut
critiquer la nécessité des scènes de rêverie du personnage principal. En effet,
le film est agrémenté de quelques scènes de rêves, qui donnent un air
prétentieux et alambiqué au film dont la prétention est justement le réalisme
total et absolu. C’est un peu dommage, elles n’apportent rien et on aurait pu s’en
passer (mais c’est très minime dans le film). Enfin quelques effets spéciaux
laissent à désirer comme le troupeau de bison et là encore c’est un peu dommage
dans un film profondément réaliste.
The Revenant est un chef d’œuvre et
devrait remporter pléthore d’Oscars, nominé on le rappelle dans 12 catégories. Si
Meilleur Acteur et Meilleur Cinématographie ne devrait pas lui échapper, le
film peut aussi espérer l’Oscar du meilleur film ce qui représenterait une
première dans l’histoire du cinéma avec deux statuettes consécutives pour un réalisateur
dans cette catégorie (Birdman ayant
été réalisé par Alejandro González Iñárritu). Malheureusement les septuagénaires
de l’Académie préféreront surement récompenser Spotlight, un film aux antipodes de The Revenant, avec un scénario plus sophistiqué (et surtout plus
sensible) mais à la réalisation incroyablement plate et lisse.
5/5