Une sitcom, littéralement, est fondée sur le comique
de situation. Elle met en scène des moments de vie, souvent entre amis, auxquels
nous pouvons, dans une certaine mesure, nous identifier. En somme, elle tente bien
souvent de dépeindre une réalité la plus fidèle possible. La sitcom a connu
sa première heure de gloire dans les années 90 avec la série Seinfeld (macritique ici). Créée par Jerry Seinfeld et Larry David, la série se vend comme
étant « The fisrt show about nothing », soit un enchainement de
situations de vie quelconques, emmené par un acteur principal, Jerry Seinfeld, qui
joue une légère variation de lui-même.
A l’heure d’aujourd’hui, la série est encore reconnue comme
étant l’une des meilleures sitcoms de l’histoire. Sa renommée, elle l’a obtenue
en exposant des situations rocambolesques et grotesques du quotidien, le tout à
travers des personnages hautement cyniques et narcissiques. On sait d’ailleurs
que la plupart des situations grotesques dans lesquelles se fourre le
personnage de George Costanza sont directement tirées de la vie de son
scénariste, Larry David. Bref, la série a connu un grand succès en retraçant la
vie de personnes lambda, avec leurs idées, leurs émotions et surtout leurs
défauts. C’est donc une certaine sincérité que l’on vient chercher dans une
sitcom.
Seinfeld était (et est toujours) génial car on se
sentait vraiment dans la vie de Jerry Seinfeld, ce dernier jouant une légère caricature
de lui-même. La sincérité était donc de mise même si la série respectait
beaucoup de codes qui en faisaient un objet télévisuel bien carré. Mais il
existe un marché de niche dans l’univers des séries qui permet de retrouver
cette immersion dans la vie réelle, cette sincérité tant recherchée. Ce dernier
est celui des sitcoms inspirées de la vie d’une personne vivante. Dans cette
catégorie, deux sitcoms excellent : Curb Your Enthusiasm et Louie.
Curb Your
Enthusiasm
Curb Your Enthusiasm est une série sur la vie de Larry
David, co-créateur de Seinfeld (ce n’est pas une coïncidence). Larry, qui se
joue lui-même dois-je le préciser, est dépeint comme un sexagénaire candide,
cynique et névrosé qui exècre les conventions sociales. Comme Jerry dans
Seinfeld, il passe le plus clair de son temps à remarquer des détails absurdes
du quotidien, et une fois qu'il les a en tête, il est incapable de s'en
désintéresser. Imaginez-vous un enfant de 10 ans riche et capricieux, et vous
aurez une image plutôt réaliste du monsieur.
Ce qui surprend tout de suite, c'est la voix et la
façon de parler de Larry : on a l'impression d'entendre un alter ego de Jerry
Seinfeld. Si vous rajoutez à cela ses différentes mésaventures qui rappellent
celles de George Costanza (personnage de Seinfeld), vous obtenez ce qui peut en
réalité être considéré comme un spin-off de Seinfeld. Les acteurs de Seinfeld
sont d’ailleurs présents dans plusieurs épisodes de la série jusqu’à aboutir à
un épisode hommage à la fin de la saison 7.
Si Seinfeld respectait les codes de la sitcom américaine
(unité de lieux…), Curb Your Enthusiasm ressemble plus à un documentaire filmé
avec une pauvre caméra DV, où le héros serait un Larry David légèrement
désinhibé. Probablement traumatisé par ses 7 années à pondre des scénarios et
des lignes de dialogues à un rythme effréné, Larry David a désormais choisi
l'improvisation : les acteurs n'ont pas de textes, mais juste une trame globale
de la scène qu'ils vont devoir enregistrer. Les conversations sonnent donc plus
vrai, et elles sont moins formatées que ce qu'on peut voir d'habitude à la
télé. Il y a parfois quelques longueurs, mais quand la sauce prend, le résultat
est autrement plus gratifiant que si les acteurs s'étaient contentés de réciter
leurs textes.
Les épisodes sont brillamment construits : il y a
souvent plusieurs histoires qui se déroulent en parallèle, et elles finissent
inlassablement par se rejoindre, au détriment du pauvre Larry. Au final, je ne
peux que vous conseiller de regarder cette comédie. Très atypique dans sa
forme, elle risque de vous surprendre lors des premiers épisodes, et pas
forcément en bien. Vous trouverez probablement que c'est mal filmé, qu'il y a
trop de bavardages inutiles, et que le quotidien de Larry n'est pas passionnant.
Mais si vous vous accrochez et que vous vous habituez à ce nouveau type de
sitcom, la récompense n'en sera que plus grande : Curb Your Enthusiasm nous
permet de retrouver tout l'imaginaire farfelu et le génie comique de Larry
David dans une comédie qui ne prend pas ses téléspectateurs pour des idiots.
4/5
Louie
Louie est une série qui met en scène la vie, romancée, de l’humoriste de
stand-up américain, Louie C.K. Comme Seinfeld, chaque épisode (ou presque) s’ouvre
sur un numéro de stand-up avant de suivre Louie dans sa vie quotidienne. Louis C.K, 41 ans, divorcé, 2 filles, gros,
roux, dégarni, nous raconte ses déboires avec une sincérité et une sensibilité
remarquable. La série se rapproche donc un peu de Seinfeld ou de Curb Your
Enthusiasm, mais en beaucoup plus authentique, plus crédible, plus acerbe et
plus âpre. Comme la vie quoi.
A travers cette série, Louie peint un autoportrait peu flatteur de lui-même (je bouffe des glaces au pieu, je suis une grosse loque, je me masturbe beaucoup, je suis pas bon amant...) mais qui vend en réalité l'idée du brave type qui fait du mieux qu'il peut pour élever ses filles en ramener d'autres (plus âgées) dans son lit. Sous la vulgarité pouvant frôler des sommets (Louie a une affection toute particulière pour les blagues sur la pédophilie, le racisme et la maladie), se cache une critique du politiquement correct propre à notre époque et à toute l'hypocrisie qui en découle. Louie fait rire (jaune) mais fait également réfléchir, tout comme un Larry David, qui risque d'ailleurs de devoir lui faire une place dans son club très fermé des génies comiques qui n'ont plus rien à prouver.
Evidemment, les tranches de vie sont scénarisées mais on sent l'inspiration
du quotidien. Et comme le quotidien, c'est un peu inégal. Sur les 13 épisodes
de la première saison, il y a donc quelques passages à vide et l'épisode pilote
n'est certainement pas le meilleur d'entre eux. Ca n'en reste pas moins au
global un gros coup de cœur. Une série à dialogues, portée par et pour le
texte, si drôle, cynique et douce-amère : ça ne se rate pas.
4/5
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