Seinfeld est culte aux Etats-Unis
et pourtant méconnue en France. Quelle triste réalité ! Il est donc de mon
devoir de sériephile d’exporter cette excellente série Outre-Atlantique.
Etant passée complètement
inaperçue en France, notamment pour ma génération qui a grandi avec Friends, je
me dois de débuter cette critique par un petit background de la série. La série
a été créée en 1989 par Jerry Seinfeld et Larry David, également créateur de la
très bonne série Curb your enthusiasm. La série comporte 9 saisons, 180
épisodes, et fut diffusée sur NBC jusqu’à son terme en 1998. NBC aurait proposé
110 million d’euros à Jerry Seinfeld (soit 5 million par épisode - un
record !) pour le tournage d’une dixième saison, mais ce dernier refusa.
La série fut malheureusement très mal distribuée en France en étant diffusée
sur des chaînes à moindre visibilité : Canal+ et Canal Jimmy. De plus,
elle fut programmée en VF. Si la VF est un sacrilège pour n’importe quel
produit télévisuel non francophone, elle devient ici une vraie torture. Cette
dernière détruit toute la beauté du show qui repose majoritairement, au-delà du
comique de situation, sur un comique de langage, où chaque intonation, chaque
détail de ponctuation, chaque choix de mots dans la phrase est une merveille
d'ingéniosité et d'humour. Des expressions cultes comme "soup nazi",
"master of my domain", "bubble boy", ou autres "can't
stand ya!" sont intraduisibles correctement dans le contexte de la
loufoquerie démente de chaque épisode.
Si ce n’est pas un critère de
qualité à mes yeux (mais ça l’est pour certains), on peut noter que Seinfeld
est LA série comique qui a fait évolué la sitcom vers sa forme actuelle. Son
créateur et acteur principal, Jerry Seinfeld, la présente comme « the
first TV show about nothing ». Une exploration de la vie quotidienne et de
ses aléas qui sera très vivement reprise par Friends & Co. C’est donc à
tous les fans de Friends, HIMYM, TBBT, et j’en passe, que je m’adresse ici. Si
vous avez adoré ces séries-là, alors prenez le temps de découvrir leur ancêtre.
A l’instar de Friends & Co, dans des épisodes de 20 minutes, Seinfeld met
en scène un groupe d’ami New Yorkais dans la banalité de leur « daily
life ». On peut cependant ajouter que le groupe d’amis est ici composé de
personnages médiocres. Des individus bourrés de défauts, tour à tour avares,
égocentriques, mesquins, cyniques, sans empathie et de mauvaise foi.
Parlons d’ailleurs un peu des
personnages. Les personnages principaux sont au nombre de 4. Tout d’abord, on a
Jerry Seinfeld qui joue le rôle d’un « stand-up comedian » névrosé,
maniaque et immature. Un grand enfant qui trouve toujours une raison absurde de
rompre avec ses nombreuses conquêtes. Il est également important, même
nécessaire, de préciser qu’il est juif (on s’en serait douté) car ce dernier ne
manquera pas de plaisanter sur sa propre religion. Il est accompagné partout où
il va par son ami d’enfance, George Costanza. Egalement juif, ce dernier est
petit, robuste, chauve, névrosé, complexé, paranoïaque, égoïste, radin,
menteur, poule mouillée, toujours en train de protester et remettant tout en
cause. George est probablement le personnage le plus amoral de la série. Ces
deux acolytes sont assistés dans leurs aventures par Elaine Benes, joué par la
très attirante Julia Louis-Dreyfus. Un personnage initialement pas prévu dans
le scénario mais rajouté à la demande de NBC pour attirer une audience plus
féminine. Cette dernière est intelligente, féministe, mais aussi très
égocentrique, autoritaire et superficielle. Elle est souvent la victime du
destin. Enfin, last but not least, pour compléter ce quatuor de génie, on
a le magnifique Kramer. Il est le voisin fou et pique-assiette de Jerry. Ses
marques de fabrique sont sa garde-robe dépassée, ses cheveux en l'air, son
opportunisme, son absence de gêne, son entrée-glissade explosive, sa collection
de chutes et son penchant pour les réactions absurdes. Michael Richards a reçu
trois Emmy Awards pour ce rôle. Dit comme ça, les personnages pourraient
paraître antipathiques et inintéressants. Mais pas du tout, ils sont
paradoxalement très attachants. Pourquoi ? D'abord grâce à l'extraordinaire
performance des acteurs, qui vivent leur personnage à tel point qu'on leur
imagine difficilement une autre personnalité dans la vraie vie. Ensuite par la
qualité de l'écriture, qui est en elle-même assez particulière.
Oubliez les gags lourdingues et
les morales à 2 balles en fin d'épisode, Seinfeld est une comédie cynique et
très contemporaine, malgré ses 20 ans d'âge. Elle commence tous ces épisodes
par un stand-up de Jerry qui s’amuse à décortiquer les absurdités de la vie
quotidienne avec sa désormais célèbre accroche « Did you notice… ».
Notons un fait particulier et parfaitement délectable de la série. A un moment
dans la série, Jerry (le personnage) se voit proposer par NBC de créer une
sitcom intitulée "Jerry", basée sur sa vie quotidienne. A la
recherche d'idées pour le pilote avec son ami George, celui-ci à l'idée de
faire un "show about nothing". Cette expérience ce clôturera par un
échec cuisant. On assiste donc à une mise en abyme tout à fait extraordinaire.
L'autodérision est d’ailleurs omniprésente dans la série.
Partant de faits de la vie
quotidienne qui pourraient arriver à tout le monde, la série les prend pour en
extirper le côté absurde, observer et analyser les codes de société. En y
ajoutant des personnages reflétant la part plus "sombre" de nous-mêmes,
la série prend un malin plaisir à mettre en scène ce qu'on n'oserait jamais
faire habituellement. C'est aussi dans les interactions entre personnages que
la série se démarque des autres. Jouant avec les codes de la sitcom sous
l'apparence de les respecter à la lettre, on peut remarquer que les scènes de
romance guimauves sont quasiment inexistantes dans la série, et les rares
moments pseudo-romantiques sont immédiatement tués dans l'œuf. Même pour
l'amitié la série est d'un incroyable cynisme. Elaine avoue par exemple dans un
épisode clairement ne pas aimer George, et les relations semblent basées
uniquement sur ce que chacun pourrait obtenir de l'autre.
Pour résumer, on peut dire que
Seinfeld était une sitcom au-dessus du lot et dont la qualité d'écriture reste
à ce jour inégalée dans le registre de la comédie. Je ne peux que vous
conseiller de la regarder. Ne vous arrêtez pas sur les décors et les habits old
school des années 90, passez les deux premières saisons courtes et parfois
poussives (la série cherchent encore son style) et ensuite vous allez vous
noyer dans un océan de bonheur télévisuel.
5/5
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