Rectify, c'est l'histoire d'un type, Daniel Holden,
accusé et condamné pour le viol et le meurtre de sa petite amie. Emprisonné à
18 ans, il reste enfermé 19 ans dans le couloir de la mort avant d’être relâché
en raison d’une nouvelle analyse ADN qui vient remettre en question son
incarcération. Et ce laps de temps n'est pas négligeable : sa famille, ses
anciens camarades de lycée, sa ville, tout ce qu'il connaissait a changé. Lui
aussi a changé, le confinement pendant près de deux décennies a eu, comme on
peut s’en douter, des impacts psychologiques d’envergure. Et c'est dans ce
nouveau monde le pensant toujours coupable qu'il doit se reconstruire.
La première saison est constituée de 6 épisodes de 50
minutes, la seconde de 12 épisodes et le troisième de 6 épisodes également. J’apprécie
les mini-séries comme Rectify, Top Of The Lake, Fargo, TrueDetective, 11.22.63, et bien d’autres, car elles prennent souvent leur
temps, installent patiemment une ambiance qui leur sont propre et permettent finalement
de capter l’essence d’une époque ou/et d’un lieu. Généralement, ces mini-séries
sont aussi des œuvres à la qualité quasi cinématographique. Et Rectify ne dément pas ce dernier point. C'est
parfait, de bout en bout. La mise en scène, les plans ont été choisis avec
subtilité et précision, livrant ainsi de superbes images qui ne se contentent pas
d'être seulement belles. Le but n'est pas de faire du beau pour du beau, comme
il est de coutume quand on veut se lancer dans une création
"esthétique", mais de raconter, véritablement. Les mots ici ne seront
d'aucune aide au spectateur, la parole étant assez rare. Pour contrebalancer,
la musique est omniprésente. A l'instar de l'image, elle sert de support à
l'émotion que veut retranscrire le réalisateur.
Niveau casting, pareil, il n'y a rien à redire. Aden Young, qui incarne
Daniel, devait pourtant relever un challenge assez difficile. Son personnage
est bousculé par une multitude de sentiments et est, de fait, très difficile à
cerner, déjà pour le spectateur, mais d'autant plus pour son interprète. C’est
un pari réussi : Young réussit à retranscrire ce mélange d'innocence, de
souffrance, de bouleversement tout au long de la série. Abigail Spencer
(Amantha), avec son air baba cool, est mine de rien, elle aussi, un personnage
complexe : heureuse de retrouver son frère, ne voulant plus le lâcher pour
rattraper le temps perdu mais se heurtant tout de même aux conséquences de
cette libération, tant au niveau de ses relations avec son frère qu'au niveau
de la ville, et tentant d'en dissimuler les impacts. Clayne Crawford joue
l'odieux demi-frère qui a bien profité de l'emprisonnement de Daniel et qui ne
veut pas lui laisser ne serait-ce que le quart de la place qu'il tenait avant,
tandis qu'Adelaïde Clemens, qui incarne sa femme, est un petit peu l'éclat de
pureté dans une ville rongée par l'amertume et la vengeance.
Si on peut penser de prime abord que la série ne serait qu'une critique de
la peine de mort aux States, il n'en est rien. Le créateur Ray McKinnon explique que malgré ses propres
opinions sur le système pénitentiaire américain, il n'a pas voulu faire une
série à charge. Il le dit en ces termes : « Rectify doit être un
ressenti, pas une leçon ». Si Rectify ne délaisse pas
le judiciaire en poursuivant l'enquête sur la mort d'Hannah Dean, cette
intrigue est somme toute assez secondaire (dans la première saison surtout), ce
qui permet à Ray McKinnon de se concentrer sur Daniel et sur les thématiques
qu'amène sa libération. La liberté, pour commencer : Daniel est-il vraiment
libre ? Est-ce que le regard des autres n'est pas la prolongation de sa cellule
? La liberté est-elle vraiment un phénomène physique ? Dans Rectify, la sortie ne se fait pas sous
la pluie de la délivrance comme dans Les
Evadés car elle ne signifie strictement rien de nouveau, le changement de
statut de Daniel n'étant que physique et non pas psychologique. Rectify reste
très ouvert et on peut y voir ce que l'on veut, mais jamais avec certitude : la
série stagne sans cesse dans le flou permanent, la conduisant ainsi à un rythme
que je qualifierai plus d'incertain que de lent.
C'est bien parce que la série, outre son aspect contemplatif, ne nous donne
pas la main et nous laisse libre interprétation sur ce qui se passe sous nos
yeux que Rectify mérite d'être regardé. L'intrigue en soi est superflue, bien
que prenante, car la série a vraiment pour vocation de nous transmettre
certaines émotions et surtout, de nous faire réfléchir, sans nous conforter à
un seul moment dans une voie. En gros, Rectify, c'est beau, subtil,
intelligent.
4/5
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