mercredi 4 mai 2016

The Leftovers


















A chaque nouvelle critique d’une série HBO, je ne peux m’empêcher de crier mon amour pour la chaîne câblée américaine, qui est sans contestation aucune la chaîne de télévision la plus audacieuse, la plus révolutionnaire et la plus courageuse d’entre toutes. HBO nous propose chaque année des séries d’un genre nouveau, que ce soit dans la réalisation ou dans l’écriture. Grâce à son excellente réputation qu’elle s’est construite au fil des années avec des succès comme Six Feet Under, Game of Thrones, True Detective, Band of Brothers, Sex and the City, The Wire ou encore OZ, la chaîne se permet de prendre des risques et de considérer le spectateur comme un être-humain intelligent capable de regarder un show qui ne suivra pas les carcans préétablis d’un genre et qui préférera bousculer certaines idées préconçues.  

A l’heure actuelle il y a peu de chaînes de télévision américaines qui soient capables de prendre de tels risques. Si la télévision vit son âge d’or, et cela ne fait aucun doute, elle est tout de même, un peu comme le cinéma, sclérosée. J’entends par là qu’on recycle de vieux procédés et que les idées originales se sont plus rares, les nombreux prequel, sequel, reboot, remake et autres anglicismes que l’on peut voir dans les salles noires en sont un parfait exemple. Au niveau télévisuel, on ressent la panne créatrice dans la profusion des séries de vampires (Vampire Diaries, The Original, True Blood…), des séries de zombies (The Walking Dead, Fear the Walking Dead, IZombie…), des sitcoms à gogo qui ne se différencient plus trop les unes des autres… Mais bien sûr je caricature extrêmement le tableau et tout n’est pas si noir, la télé continue de ramener de plus en plus de monde devant la petite lucarne comme en témoigne les audiences extraordinaires de Game of Thrones ou Walking Dead (qui selon moi ne mérite clairement pas autant de bruit). Mais voilà, quand on voit une nouvelle production HBO, avec un scénario intrépide, on se frotte les mains car tout laisse à penser que ça va être très bon, challengeant et intéressant. Et c’est exactement ce qu’est The Leftovers.

J’ai vu la première saison de The Leftovers il y a de cela bientôt 6 mois. Comme j’ai depuis regardé une bonne trentaine de séries, et comme j’ai vraiment une mémoire de merde, j’ai déjà un souvenir un peu vague de la série. J’entends par là que je ne ferais pas une critique à chaud et détaillée mais que je viens plutôt exprimer un ressenti pour une série qui me tient très à cœur et promouvoir une œuvre extrêmement sous-cotée. Si la série est sous-cotée elle le doit notamment à son créateur Damon Lindelof, aussi créateur et producteur de la série Lost. Si Lost a beaucoup de qualités, et reste pour moi une série révolutionnaire qui a changé le paysage télévisuel, la fin de la série a laissé un goût amer dans la bouche de nombreux de fans. On reproche à la série de n’avoir pas su résoudre toutes les énigmes et les questions qu’elle avait posées. Alors quand certains ont vu le synopsis de The Leftovers, et qu’ils savaient que Damon Lindelof est aux manettes, ils ont pris peur. Le synopsis de la série est le suivant : « 2 % des êtres humains ont disparu de la surface de la Terre sans la moindre explication, dans une sorte de ravissement. Les habitants de la petite ville de Mapleton vont être confrontés à cette question lorsque nombre de leurs voisins, amis et amants s'évanouissent dans la nature le même jour d'automne ».

Mais à la grande différence de Lost, le postulat de départ de The Leftovers est que l’on ne répondra pas aux questions suivantes : « Pourquoi ont-ils disparu ? Comment ont-ils disparu ? ». Et cela change tout. Les attentes sont du coup complétement différentes, et le challenge est plus intéressant. On n’apportera pas d’explication mystique à dormir debout comme dans Lost, nan, on ne l’expliquera simplement pas. A la place, les créateurs de la série ont préféré se focaliser sur les conséquences de cet événement inexplicable. On plonge donc dans la vie quotidienne des rescapés de ce phénomène invraisemblable. La série est donc une série sur la catharsis, sur la perte, sur l’abandon et sur le deuil. La série réfléchie aussi sur des sujets très pragmatiques dans ce genre de situation comme : peut-on toucher l’assurance vie des disparus alors que l’on ne sait pas où ils sont, s’ils reviendront…

La série bénéficie aussi d’une construction épisodique de qualité qui demande un certain investissement du spectateur. Nous ne sommes pas sur une chaîne de télé quelconque où le but est d’obtenir une audience rapidement et où les épisodes misent sur l’addiction et les cliffhangers. Non c’est HBO, donc on peut se permettre de construire sa série comme on l’entend, comme un puzzle dont la dernière pièce viendra apporter la pleine satisfaction au spectateur. Certains pourront donc ressentir certaines longueurs car la série a parfois un rythme lent avec de longues séquences presque contemplatives mais pour moi la qualité des acteurs, de la réalisation et surtout des dialogues est tellement puissante qu’elle prend le pas sur un quelconque ennui. Si l’influence de Lost est visible, j’ai personnellement ressenti l’influence de Six Feet Under dans la recherche visuelle très similaire, le traitement du deuil,  les personnages perturbés et les scènes hallucinées. La comparaison peut paraître appuyée, mais elle n’est pas si invraisemblable. Car un peu comme l’œuvre d’Alan Ball, The Leftovers a cette façon de s’intéresser à de nombreux thèmes, messages et questionnements existentielles – religion, deuil, mémoire.

The Leftovers est un chef d’œuvre.

Longue vie à HBO

5/5

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