A chaque nouvelle critique d’une
série HBO, je ne peux m’empêcher de crier mon amour pour la chaîne câblée
américaine, qui est sans contestation aucune la chaîne de télévision la plus
audacieuse, la plus révolutionnaire et la plus courageuse d’entre toutes. HBO
nous propose chaque année des séries d’un genre nouveau, que ce soit dans la
réalisation ou dans l’écriture. Grâce à son excellente réputation qu’elle s’est
construite au fil des années avec des succès comme Six Feet Under, Game
of Thrones, True Detective, Band of Brothers, Sex and the City, The Wire ou
encore OZ, la
chaîne se permet de prendre des risques et de considérer le spectateur comme un
être-humain intelligent capable de regarder un show qui ne suivra pas les
carcans préétablis d’un genre et qui préférera bousculer certaines idées
préconçues.
A l’heure actuelle il y a peu de
chaînes de télévision américaines qui soient capables de prendre de tels
risques. Si la télévision vit son âge d’or, et cela ne fait aucun doute, elle
est tout de même, un peu comme le cinéma, sclérosée. J’entends par là qu’on
recycle de vieux procédés et que les idées originales se sont plus rares, les
nombreux prequel, sequel, reboot, remake et autres anglicismes que l’on peut
voir dans les salles noires en sont un parfait exemple. Au niveau télévisuel,
on ressent la panne créatrice dans la profusion des séries de vampires (Vampire Diaries, The
Original, True Blood…), des séries de zombies (The Walking Dead,
Fear the Walking Dead, IZombie…), des sitcoms à gogo qui ne se
différencient plus trop les unes des autres… Mais bien sûr je caricature
extrêmement le tableau et tout n’est pas si noir, la télé continue de ramener
de plus en plus de monde devant la petite lucarne comme en témoigne les
audiences extraordinaires de Game of Thrones
ou Walking Dead
(qui selon moi ne mérite clairement pas autant de bruit). Mais voilà, quand on
voit une nouvelle production HBO, avec un scénario intrépide, on se frotte les
mains car tout laisse à penser que ça va être très bon, challengeant et
intéressant. Et c’est exactement ce qu’est The Leftovers.
J’ai vu la première saison de The Leftovers il
y a de cela bientôt 6 mois. Comme j’ai depuis regardé une bonne trentaine de séries,
et comme j’ai vraiment une mémoire de merde, j’ai déjà un souvenir un peu vague
de la série. J’entends par là que je ne ferais pas une critique à chaud et
détaillée mais que je viens plutôt exprimer un ressenti pour une série qui me
tient très à cœur et promouvoir une œuvre extrêmement sous-cotée. Si la série
est sous-cotée elle le doit notamment à son créateur Damon Lindelof, aussi
créateur et producteur de la série Lost. Si Lost a beaucoup
de qualités, et reste pour moi une série révolutionnaire qui a changé le
paysage télévisuel, la fin de la série a laissé un goût amer dans la bouche de
nombreux de fans. On reproche à la série de n’avoir pas su résoudre toutes les
énigmes et les questions qu’elle avait posées. Alors quand certains ont vu le
synopsis de The
Leftovers, et qu’ils savaient que Damon Lindelof est aux manettes, ils ont
pris peur. Le synopsis de la série est le suivant : « 2 % des
êtres humains ont disparu de la surface de la Terre sans la moindre
explication, dans une sorte de ravissement.
Les habitants de la petite ville de Mapleton vont être confrontés à cette
question lorsque nombre de leurs voisins, amis et amants s'évanouissent dans la
nature le même jour d'automne ».
Mais à la grande différence de Lost, le postulat
de départ de The
Leftovers est que l’on ne répondra pas aux questions suivantes : « Pourquoi
ont-ils disparu ? Comment ont-ils disparu ? ». Et cela change
tout. Les attentes sont du coup complétement différentes, et le challenge est
plus intéressant. On n’apportera pas d’explication mystique à dormir debout
comme dans Lost,
nan, on ne l’expliquera simplement pas. A la place, les créateurs de la série
ont préféré se focaliser sur les conséquences de cet événement inexplicable. On
plonge donc dans la vie quotidienne des rescapés de ce phénomène
invraisemblable. La série est donc une série sur la catharsis, sur la perte,
sur l’abandon et sur le deuil. La série réfléchie aussi sur des sujets très
pragmatiques dans ce genre de situation comme : peut-on toucher
l’assurance vie des disparus alors que l’on ne sait pas où ils sont, s’ils
reviendront…
La série bénéficie aussi d’une
construction épisodique de qualité qui demande un certain investissement du
spectateur. Nous ne sommes pas sur une chaîne de télé quelconque où le but est
d’obtenir une audience rapidement et où les épisodes misent sur l’addiction et
les cliffhangers. Non c’est HBO, donc on peut se permettre de construire sa
série comme on l’entend, comme un puzzle dont la dernière pièce viendra
apporter la pleine satisfaction au spectateur. Certains pourront donc ressentir
certaines longueurs car la série a parfois un rythme lent avec de longues
séquences presque contemplatives mais pour moi la qualité des acteurs, de la
réalisation et surtout des dialogues est tellement puissante qu’elle prend le
pas sur un quelconque ennui. Si l’influence de Lost est visible, j’ai
personnellement ressenti l’influence de Six Feet Under dans
la recherche visuelle très similaire, le traitement du deuil, les
personnages perturbés et les scènes hallucinées. La comparaison peut paraître
appuyée, mais elle n’est pas si invraisemblable. Car un peu comme l’œuvre
d’Alan Ball, The Leftovers a cette façon de s’intéresser à de nombreux
thèmes, messages et questionnements existentielles – religion, deuil, mémoire.
The Leftovers est un chef
d’œuvre.
Longue vie à HBO
5/5
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